À l’origine de cet article, une réflexion nocturne: « Mais en fait c’est qui Monique Ranou ? »
Pour Monique Ranou, précisément, LSA a répondu à la question en 2014, juste ici . Je vous résume cette affaire : en 1905, M. et Mme Rannou (avec deux « n », oui) crééent une société de salaison, à Quimper. 62 ans plus tard, leur belle-fille, Monique, prends les rênes de l’entreprise Bretonne et élabore une stratégie de communication. Elle ajoute son prénom, retire un « n » pour simplifier tout ça : Monique Ranou est née, avant même la naissance d’Intermarché !
La plus vieille trace d’utilisation de la marque Monique Ranou, remonte à 1986, dans une campagne presse. Ça correspond aussi au dépôt de la marque à l’INPI
En 1992, la marque passe un partenariat avec Intermarché. Entre temps, elle a trouvé un nouveau slogan « C’est si bon de faire confiance à une femme ! » Pas très original si on s’arrête au fait que ça parle de faire la cuisine, un peu plus si on repense au monde de la viande et de la charcut’ à l’image très masculine. « Un boucher », « Un charcutier », « Le père Dodu » etc.
En 1995, ce partenariat lui permet de faire de la pub télé :
Pour Intermarché c’est tout bénèf’, la marque devenant exclusive aux Mousquetaires, ça permet à l’enseigne de contourner l’interdiction de faire de la pub TV pour les supermarché, à l’époque ! Il suffit juste de ne pas mentionner l’enseigne sur le paquet et on est bon !
En 1998, en l’absence de descendance souhaitant reprendre l’affaire, Monique Rannou vends son entreprise aux Mousquetaires. Il est un temps envisagé de changer le nom de la marque mais la popularité est telle qu’ils préfèrent garder Monique et puis ça sonne bien terroir.
Et puis en 2007, quand les magasins sont autorisés à faire de la publicité à la télé, Monique Ranou est enfin rattachée à Intermarché dans la communication.
Et c’est vrai que je n’avais pas fait gaffe mais oui Intermarché se revendique Producteur Commerçant et donc plusieurs de ses marques ont une histoire un peu plus large que le simple naming de MDD. On continue ?
Jean Rozé
L’histoire de Jean Rozé est très similaire à Monique Ranou !
D’abord boucherie familiale fondée en 1892 par les parents de Jean Rozé. C’est seulement en 1955 que Jean et Louis Rozé fondent la SVA, « Société Vitréenne d’Abattage Jean Rozé » (Mais « Depuis 1892 » ça marche mieux sur les paquets)
Les plus vieux exemples de produits vendus par l’entreprise, que j’ai trouvé, sont de la viande pour chien sous la marque « Mets d’Or » (masterclass ce nom), SVA Rozé n’est pas encore un nom commercial, juste le fabricant.
En 1991, ils nouent un partenariat avec Les Mousquetaires et en 1993, ils lancent la marque « Jean Rozé » pour les humains cette fois !
Pour sa première campagne TV en 1994, on voit le personnage de Jean Rosé, un plan sur la viande rouge et un slogan « Parole d’homme ». Difficile de ne pas faire le rapprochement avec le slogan de Monique Ranou, « C’est si bon de faire confiance à une femme ». D’ailleurs, là où on ne voit jamais Monique Ranou, ici on personnifie Jean Rosé. On ne voit jamais la charcuterie Ranou, en dehors de son emballage, ici on voit la voit en dehors et même avant qu’elle soit produite. (Explication simple pour ce point, Jean Rozé se vendait en boucherie des supermarché et Monique Ranou exclusivement en libre-service)
L’image de marque va se construire en miroir de celle Monique, formant 30 ans plus tard une sorte de couple de la viande.
Les pubs Ranou ne sortent pas de la maison ? En 1995, Jean Rozé va directement montrer qu’on le trouve à la boucherie des supermarché !
Souvenez-vous, les supermarchés n’ont pas le droit de faire de la pub à la télé. En 1998, Intermarché va jouer encore un peu plus avec les limites de cette loi.
Je vous ferez un article sur les différentes techniques des supermarchés pour contourner l’interdiction et d’ailleurs là on va en découvrir une autre !
Mathurin Onno
Mathurin a aussi une histoire similaire à Jean et Monique.
Fils de charcutier, Mathurin Onno, né en 1920, reprends d’abord la charcuterie familiale avant de créer sa propre entreprise, en 1957, à Pontivy : Onno
En 1986, Onno lance une campagne télé qui fleure bon le terroir et la campagne. A la différence de Monique Ranou, la charcuterie d’Onno et son produit star : le Rond’Onno, sont destinés aux stands charcuterie et aux rayons conserves.
En 1987 et 1988, la marque tente une escapade plus humoristique
En 1990, Mathurin sort sa dernière campagne en tant qu’indépendant. C’est un retour aux sources, au terroir, presque caricatural.
Et puis, l’histoire se répétant, en 1991, Mathurin Onno vends Mathurin Onno à Intermarché. La marque revient à la télé, en 1993, visuellement inchangée mais dans un spot très particulier.
Spot très particulier car il fait partie d’une campagne où tous les spot sont sur ce modèle : « Question », voix off explicative sur image du produit qui tourne, « A vous de juger » mais pour des marques et des produits différents : le jambon Onno mais aussi le foie gras Comte Queriac, les sardines Capitaine Cook, le saumon fumé Moulin de la Marche ou encore les glaces Adélie. Des marques appartenant toutes à Intermarché.
On peut la considérer comme la première campagne télé de l’enseigne, sans la mentionner, elle est rappelée ici, par les couleurs d’Intermarché à l’époque : Orange et Noir. Et puis surtout, cette campagne TV est couplée à une campagne presse, avec la même charte graphique et… le logo d’Intermarché (C’est pas interdit ici)
Audacieux pour contourner l’interdiction de télé sensée protéger le petit commerce, je crains cependant que la campagne presse aie quelque peu vendu la mèche. Dès l’année suivante, toutes ces marques auront de nouveau des campagnes bien distinctes.
1994, dernière campagne TV trouvable pour Onno, retour aux fondamentaux : Terroir, Bretagne, esthétique Herta. Le spot se termine par un slogan « On sait d’où ils viennent ». Un double sens plutôt savoureux !
Après un déménagement en 1998, l’usine et la marque perdurent durant les années 2000. En 2002, le prénom est de nouveau retiré de la marque et en 2009, Intermarché renomme l’usine en « Salaison Celtiques ».
Progressivement pendant les années 2010, la marque Onno va céder sa place à Monique Ranou dans les rayons, rationalisation des marques sans doute. En 2014, Mathurin Onno, l’homme, disparaît à son tour et en 2018, l’enseigne Onno est retirée de l’usine historique. Aujourd’hui, en 2023, il reste de Mathurin Onno, une gamme de saucisson sec appelée « Le Mathurin »
et une rue Mathurin Onno, inaugurée en 2008. à Pontivy, ville où tout à commencé. Au delà de l’anecdote rigolote qu’une MDD Intermarché a une rue à son nom, le monsieur fut tout de même résistant, maire d’une ville voisine et figure majeure de l’économie bretonne.
Claude Léger
Claude Léger a une histoire similaire à Monique Ran… BON ok là c’est pas le cas du tout.
Contrairement aux nom précédemment cités, Claude Léger n’a jamais existé c’est une pure invention pour créer une marque de plats préparés allégés. Pourquoi Claude ? Aucune idée, mais pour Léger c’est assez transparent. Claude Léger a été créée en 1985, en Bretagne, par une certaine Monique…Le Normand.
L’actionnaire majoritaire était le Groupe Le Duff, propriétaire des Brioches Dorées. En 1993, l’usine et la marque sont revendue aux Mousquetaires. Claude Léger devient alors leur marque de plat préparés.
Comme Onno, la marque va disparaître dans le courant des années 2010. Entre 2011 et 2013, l’enseigne de l’usine est remplacée par une enseigne « Sveltic » (qui est en réalité le nom de l’usine depuis le début, contraction de Svelte et Celtique) Nom que ne prendrons pas les plats préparés renommés en Monique Ranou ou Itinéraire des Saveurs. C’est selon.
Voilà pour Claude Léger, je me souviens d’avoir vu des plats Claude Léger vers 2018 mais en 2023, il n’y a plus rien.
Adélie
Les glaces Adélie sont fabriquées depuis 1982, par une entreprise qui s’appelle « Les délices du Valplessis », à Vitré .
Si j’ai bien compris, celle-ci a été directement créée par les Mousquetaires. La marque « Les Délices d’Adélie » a d’abord été déposée en 1982, puis « Adélie » tout court 10 ans plus tard avec un logo. Difficile de savoir quand l’appellation courte a été adoptée.
Je me demandais qui était cette Adélie et pourquoi son nom, quand j’ai réalisé au détour d’une recherche, qu’Adélie ne fait pas référence à une personne mais sûrement à Terre Adélie. Territoire d’Antarctique administré par la France dans ses TAAF. Ça tombe sous le sens, le froid, la banquise, la glace. C’est très bien trouvé.
Mais, de ce fait, qui est l’Adélie de Terre Adélie ?
Comme je ne voulais pas en rester là, sachez que Terre Adélie a été appelée ainsi par Jules Dumont d’Urville – découvreur de l’endroit en 1840 – en hommage à sa femme Adèle. ( Hommage qu’il réitèrera avec les Îles Adèle et le Cap Pépin, son nom de jeune fille )
Anecdote bonus : A Vitré, ville où est implantée l’usine, il y a une course cycliste qui s’appelle la Route Adélie, en référence à la marque qui est sponsor. Donc si on résume :
La course Route Adélie est nommé d’après la marque, elle même nommée d’après un lieu, lui même nommé d’après la femme de l’explorateur qui l’a découvert.
En 1993, Adélie est dans la campagne commune « Pourquoi choisir un produit plutôt qu’un autre ? » comme Mathurin ONNO.
Et en 1994, Adélie sort une pub ambiance campagne, voix-off ventant les pistaches de la glace et les pâturages d’où proviennent son lait (tant qu’a faire, autant citer les marques sœurs en scrèd). La pub se finit par « On sait d’où elles viennent » comme Mathurin Onno. Allez, là c’est sûr c’est pas une coïncidence, ce slogan fait forcément référence au fait que la marque vient d’Intermarché.
Depuis Adélie continue de fabriquer les glaces d’Intermarché mais aussi pour d’autres entreprises, en 2010, par exemple, l’usine fabriquait aussi pour KFC ou la glace au café de Cora.
C’est tout pour cette fois, mais pas de panique, il reste encore pleins de marques des Mousquetaires à raconter !